Manifeste
j'en ai marre des histoires, je l'avais déjà dit là.
rien ne vaut les fragments, car de toutes façons quand on nous raconte quelque chose on sait qu'on est en train de nous le raconter donc c'est pas la peine d'essayer d'entretenir encore une magie, elle est éteinte depuis longtemps et c'est tant mieux. avant il fallait faire semblant que l'art n'était pas une illusion, mais à partir de maintenant il faut faire semblant de faire semblant, il faut tuer l'histoire dans l'oeuf pour faire surgir de vraies potentialités de rêves.
désormais est venu le temps de la non-histoire ou plutôt de la méta-histoire, par l'intermédiaire de l'embryon, du lambeau avorté : on esquisse ce qui aurait pu être conté si on en était encore au temps des récits, on laisse entrevoir un univers possible. et ainsi il existe encore plus. et la poésie vient du travail de notre esprit qui s'imagine ce dont il aurait pu être question.
il faut faire preuve de malice, tout faire pour que ce soit le plus tortueux possible, pour que ce soit un jeu exquis d'essayer d'entrevoir le sens que ça peut vouloir dire. chercher d'autres logiques à celle de notre monde, qu'elles passent par du sybillin ou par du rigolo ou par les deux à la fois. vous verrez, on trouve toujours une signification, on relie toujours à ce que l'on connait.
la preuve que c'est ludique : je vous ouvrirai ma bibliothèque tous les mercredis, le jour des enfants. quatre bouquins à chaque fois, pas un de plus et pas un de moins, tel un libraire qui fait dans le "j'ai choisi pour vous cette semaine". ci-dessus c'était des vieilleries, mes premiers bouquins. les choses sérieuses commencent ci-dessous : Mes Meilleurs Bouquins.
Je dois reconnaître que les histoires m'intéressent assez peu. À tout prendre, je préfère les historiettes. Dans certains livres, je file directement à la table des matières. Souvent, les titres me suffisent. Je fais depuis longtemps collection de titres. [...] Le comble pour un titre serait de ne pas tenir ses promesses. En la matière, la présomption se paie cher. Le titre idéal n'en dit pas trop, n'en a pas l'air. Pâle et sans effet, il se tient embusqué dans un entre-deux. Il attend. Fabio Viscogliosi